Réseaux sociaux et liberté d’expression, comment concilier ?

Article : Réseaux sociaux et liberté d’expression, comment concilier ?
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12 octobre 2022

Réseaux sociaux et liberté d’expression, comment concilier ?

Malgré un taux d’accès à internet un peu faible, le Niger connaît depuis plus d’une décennie l’ascension des réseaux sociaux, qui a connu un essor considérable dans la vie quotidienne des populations urbaines. En effet, les nouvelles technologies de l’information et de la communication et en particulier les réseaux sociaux (y compris les blogs et médias en ligne) sont devenus un phénomène à la mode dans le pays.

A l’ère du numérique pouvoir concilier liberté d’expression et médias sociaux est plus que problématique. Malheureusement, l’on constate aujourd’hui des difficultés et chez les internautes mais aussi chez les pouvoirs publics à encadrer cette situation de fait. Beaucoup de citoyens se voient incarcérer du fait de leurs opinions exprimées via les réseaux sociaux à tort ou à raison. Alors comment s’exprimer librement à l’ère du numérique ?

Le cybercitoyen et liberté d’expression : le citoyen 2.0

Le numérique nous permet aujourd’hui d’accéder aux informations dont nous avons besoin en temps réel. C’est le lieu pour certains internautes d’exprimer leurs points de vue en toute liberté y compris de mettre en cause certaines décisions étatiques, des gouvernements et où les organismes non étatiques. Véritable moyen d’influence, l’information constitue un réel pouvoir dans un contexte où la recherche de l’information devient une compétition. La « guerre de l’information » prend de plus en plus de l’ampleur et pouvoir la contrôlée via l’internet est un combat pour nos états. De ce fait, il faut comprendre que la liberté d’expression implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit, c’est le sens de l’article 19 de la Déclaration Universel des Droits de l’Homme. L’exercice de ce droit reste donc un droit fondamental, consacré par la constitution nigérienne pour tout citoyen dans une société démocratique sous l’impulsion du digital. Cependant, l’on constate souvent que cette loi est appliquée de manière discriminatoire en fonction de l’appartenance politique qui consiste à créer des voies et moyens pour écarter les voix dissidentes. La liberté d’expression s’applique aux idées de toutes sortes, y compris celles qui peuvent être offensantes. Depuis l’adoption de la loi portant répression de la cybercriminalité en 2019 par l’état du Niger, l’on assiste à des arrestations s’inscrivant dans un contexte plus large d’étouffement des voix critiques avec un usage excessif de la force contre les acteurs de la société civile (rapport de Amnesty international en 2020). Néanmoins, il faut savoir que cette liberté peut être restreinte légitimement lorsqu’elle bafoue les droits d’autrui ou lorsqu’elle fait l’apologie de la haine, de la violence et ou la discrimination. Ainsi, les acteurs du web( blogueurs, journalistes, lanceurs d’alertes..) doivent s’exprimer de manière responsable et éducative tout à assurant que l’information qui sera véhiculée, est vérifiée et vérifiable.

Lutter contre la désinformation

L’essor du numérique a malheureusement aussi accentué la manipulation de l’information, qui devient ainsi un moyen de détournement d’esprit à desseins permettant la diffusion de contenus de fausses informations portant atteinte à la démocratie, aux libertés, la quiétude sociale…. Le hub D4D UA-UE défini la désinformation comme « un contenu faux ou trompeur qui est diffusé dans l’intention de tromper ou d’obtenir un gain économique ou politique, et qui peut causer un préjudice public ». C’est ainsi que face à la recrudescence des fakes news, du fait surtout de l’avènement de la pandémie du covid-19, nous devons évaluer la qualité et la pertinence de l’information reçu avant toute diffusion, pour une meilleure utilisation des médias sociaux. Mais hélas, aujourd’hui nous faisons face à la prolifération des fakes news ou certains acteurs viennent influencer, sciemment ou non l’opinion (leaders politiques, journalistes, blogueurs, lanceurs d’alertes…). Ces acteurs doivent jouer un rôle sensibilisateur, de dénonciation, d’information et d’éducation à l’endroit des personnes cibles(followers) . Face à cette menace, plusieurs acteurs doivent se mobiliser pour lutter contre ce fléau à travers (états, ONG, associassions…) la mise en place :

  • Formation en matière d’éducation aux médias en ligne ;
  • Renforcement de capacités des acteurs dans la lutte contre la désinformation ;
  • Le renforcement de capacités des cybercitoyens sur l’utilisation efficace des médias sociaux;
  • La création d’un centre de veille de fact-cheking ;
  • La coordination efficace des acteurs du web (blogueurs, journalistes, lanceurs d’alertes) ;

Liberté d’expression, des lois liberticides

« Dans le contexte de l’état d’urgence en vigueur actuellement au Niger en réponse à la pandémie de la covid-19, de nombreux droits et libertés civils ont été retreints. Certaines restrictions sont permises si elles sont légales, nécessaires proportionnés. Mais en aucun cas, elles ne peuvent permettre de criminaliser tous messages critiquant les mesures prises par le gouvernement émis sur WhatsApp ou Facebook » affirme Mme KINÉ FATIM DIOP, chargée de campagne pour l’Afrique de l’ouest à Amnesty International
Le Niger à l’instar de plusieurs pays a adopté a adopté plusieurs lois pour contrôler l’espace cybernétique et médiatique. La loi 2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité concoure à la réglementation du paysage des médias sociaux. Cette loi vise à encadrer la bonne utilisation des technologies de l’information et de la communication (télévisions numériques, site web, blog, pages…). L’application de cette loi fait l’objet de toutes les controverses. D’aucun y voit un moyen de répression contre les acteurs des médias sociaux d’autres par contre y voit un moyen de rendre plus efficace et responsable son utilisation. Le 11 septembre 2020 dans la rubrique l’invité de Sahel Dimanche, Mme Gogé Maimouna, Magistrat affirmait que « depuis quelques années, la démocratisation de l’accès à l’informatique et à la globalisation des réseaux ont été des facteurs de développement du cybercitoyens ». Mais hélas, l’on assiste depuis l’adoption de cette loi, des arrestations arbitraires d’étouffement des voix critiques. Ainsi, le 29 avril 2020 une femme fut arrêtée et déférée à la suite d’une conversation privée WhatsApp ou elle critiquait la gestion de la pandémie du covid-19 par le gouvernement dans le rapport d’Amnesty International en 2020 qui dénonçait par ailleurs plusieurs cas de violation de la liberté d’expression et des arrestations arbitraires. Depuis quelques temps plusieurs associations, organisations de la société civile et médias dont l’Association des Bloggeurs du Niger ont entamé un grand plaidoyer en faveur de la modification de la loi sur la cybercriminalité portant sur la dépénalisation des délits et diffamations. Suite à ce plaidoyer, le gouvernement annonce le 28 avril 22 dans un communiqué à l’issu du conseil des ministres la suppression de la peine d’emprisonnement encourue en cas de délits commis par un moyen de communication électronique en cas d’injure ou la diffamation. Cela implique donc pas de prison, que des amendes pour les internautes en cas de délits et de diffamation commirent par voix électronique. Depuis lors, la modification de cette loi n’a toujours pas été publiée au journal officiel qui reste donc sans effet juridique. Le 03 octobre 2022, Abdoulaye Anawar, acteur de la société civile fut interpellé et placé sous mandat de dépôt à Niamey suite à une publication sur les réseaux visant à dénoncer un acte d’incivisme dans la ville de Niamey.

Communiqué officiel du conseil des ministres du 27 avril 2022.

L’adaptation droits humains et internet pose aujourd’hui un phénomène d’ordre mondial. L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication engendre un problème d’encadrement. Le Niger malgré quelques avancées en matière de conciliation entre médias sociaux et liberté d’expression par l’adoption de textes, reste toujours confronté aux difficultés de la réalité. L’état ainsi que tous les acteurs doivent mutualiser leurs efforts afin de rendre plus efficace l’utilisation des médias sociaux pour un environnement médiatique responsable et protectrice des droits et libertés fondamentales. Cela passe nécessairement par la vulgarisation de la loi portant répression de la cybercriminalité afin que tout citoyen puisse connaître ses limites. Nous lançons un appel au gouvernement, à promulguer les modifications de la loi surla cybercriminalité afin que plus jamais un acteur Web soit incarcérer pour ses opinions exprimées via les réseaux sociaux.

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