Au Niger, comment les vendeurs de rue se sont débrouillés face au Covid-19

Article : Au Niger, comment les vendeurs de rue se sont débrouillés face au Covid-19
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27 juin 2020

Au Niger, comment les vendeurs de rue se sont débrouillés face au Covid-19

Mondoblog lance le projet Mondoblog, unis contre le Covid-19, pour raconter l’évolution et les conséquences de la pandémie de coronavirus du point de vue des Mondoblogueurs sahéliens.


L’épidémie de coronavirus a engendré un changement majeur dans la vie de beaucoup de citoyens au Niger, la crise sanitaire a aussi bouleversé plusieurs secteurs de la vie économique du pays. A Tahoua, comme dans plusieurs autres villes du Niger, certains revendeurs ont vu leur activité baisser à cause des mesures restrictives. Je suis allé à la rencontre de certains d’entre eux, devant l’Université de Tahoua. Témoignages.

Mamane 29 ans, vendeur « Doundou »

Le tablier du vendeur d’igname
© Abdel Latif

Mamane vend de l’igname depuis deux ans devant la fac. Il nous a raconté que l’arrivée de la maladie a eu un impact considérable dans l’activité qu’il exerce.

« Vous savez, l’arrivée de la Covid-19 a engendré le départ massif de beaucoup d’étudiants, ils sont rentrés chez eux, dans leur famille. Du coup, forcément, il y avait moins de ventes. J’avais l’habitude d’acheter l’igname en grande quantité et j’écoulais toujours mon stock avant le coucher du soleil. Mais depuis la crise sanitaire, je n’achète que le quart de ce que j’ai l’habitude de prendre ! En plus, pendant plusieurs semaines, je n’ai plus fait de vente le soir car il y avait le couvre-feu, je ne vendais donc que le matin. C’était à peine si j’arrivais à avoir de quoi nourrir ma famille. Nous avons prié jour et nuit pour que Dieu nous reprennent cette maladie, pour que les étudiants puissent reprendre le chemin des cours, pour qu’on puisse gagner notre pain et aujourd’hui, le Bon Dieu a exaucé nos vœux ».


La tantie, vendeuse de « Awara »

La tantie en activité
© Abdel Latif 

Les étudiants l’appellent ainsi, et elle a préféré ne pas dire son vrai nom. Elle vend du « Awara », un mélange fait à base de haricots que beaucoup d’étudiants consomment le matin comme petit déjeuner. Elle nous raconte comment elle a vécu le départ des étudiants.

« L’arrivée de la pandémie m’a mise carrément au chômage. Les étudiants avaient quittés les lieux, donc moi aussi j’ai arrêté, car c’est grâce à eux que je suis là et c’est la même chose pour les autres vendeurs. Si les étudiants ne sont pas là, nous allons venir vendre à qui mon fils ?

Plat spécial, « Awara »
© Abdel latif 

Alors pour gagner un peu de sous, je suis redevenue femme de ménage. Cette activité était ma seule source de revenus car je n’ai pas d’activité formelle. C’est avec l’argent de la vente des Awara que je gagnais ma vie. J’arrivais à contribuer à la gestion de la famille avec mon mari : donner souvent l’argent aux enfants pour le petit déjeuner, faire la tontine, subvenir à mes petits besoins sans trop embêter mon mari… Mais l’arrivée de la maladie de Covid-19 a tout changé. La situation était devenue tendue et un peu difficile à la maison. Mais bon, grâce à Dieu, on a pu la surmonter ».


La tantie Fatouma, vendeuse de « Dambou »

L’autre tantie des étudiants, c’est Fatouma. Elle vend du « Dambou » (couscous de riz). Son business a aussi été bouleversé par l’arrivée de la maladie. 

« Mon fils, l’arrivée de la maladie a été un malheur pour nous. Comme tous ici, nous avons dû arrêter parce que les étudiants ont quitté le campus. En tous cas, moi, heureusement, j’ai mon petit réfrigérateur avec lequel je vends de la glace et du « lemouhari »(jus naturel) dans mon quartier. C’est avec ça que je me suis débrouillée pendant tout ce temps. Lorsque le gouvernement a annoncé la réouverture des établissements scolaires, j’étais hyper contente de pouvoir reprendre les activités !

« Dambou »
© Tanimoundari Noma et retrouver les jeunes !


Le confinement a signé la mise en pause de l’économie informelle, on s’en rend bien compte lorsqu’on parle aux revendeurs de Tahoua… Les revendeurs ont été les premières victimes des mesures restrictives prises par le gouvernement : ils se sont tout à coup retrouvés au chômage, fautes de clients. Cette crise les a plongé dans un grand désarroi qui a mis à jour leur situation de grande vulnérabilité. Ils ne sont pas protégés contre les coups durs et les imprévus, et quelle situation plus imprévue que cette crise que le monde vient de vivre avec le coronavirus ? Or, travailler dans un secteur économique où il n’y a pas d’encadrement ni de protection de l’Etat devient extrêmement difficile lorsque le système habituel s’enraille. Peut-être faudra-t-il penser à se réinventer, à trouver un “plan B” en cas de retour du virus. Penser à une solution de secours. Se protéger contre le coronavirus mais se protéger aussi d’une nouvelle précarité.

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